Cette semaine, Kathleen et moi nous sommes faits lancer un défi dans le cadre de #défi20prof : écrire un billet de blogue ensemble (merci Catherine !). Le défi qui semblait simple au départ s’est avéré un peu plus complexe lorsque nous avons mis nos 4 mains sur le clavier. Ça ne fonctionnait tout simplement pas. Kathleen a donc décidé (il faut savoir choisir ses batailles) de lancer un sujet, d’écrire chacun de notre côté et ensuite de comparer nos écrits. Le sujet qu'elle a choisi était : l’école et moi. Kathleen L’école est un endroit que je n’ai jamais pu quitter. Pourtant, d’aussi loin que je me rappelle, je n’en garde pas nécessairement un super souvenir. Être en rang d’oignons, tous faire la même page au même moment, recevoir 3 fois la même explication d‘une notion même si celle-ci était déjà comprise dès le premier coup… Tous ces souvenirs font que l’école n’a jamais été pour moi une partie de plaisir. Ce que j’aimais de l’école, c’était les amies, les projets et tout ce que je pouvais faire afin de pouvoir m’identifier à qui j’étais. Malgré tout, quand je pense aujourd’hui aux raisons qui m’ont poussée à continuer l’école malgré ce manque de motivation étant jeune, je ne saurais quoi vous répondre. Ma mère trouvait que je serais bonne là-dedans et que c’était tellement une belle job pour moi. C’est donc sans trop me poser de questions que je me suis dirigée en enseignement. C’est vraiment là que j’ai réalisé que j’étais à ma place et que c’était pour moi une réelle passion: Pouvoir aider les autres à devenir et surtout à développer qui ils sont en ne faisant pas comme les autres. Aujourd’hui, je me regarde aller comme enseignante et probablement qu’à cause de l’héritage que j’ai reçu, je tente maintenant de faire épanouir mes élèves afin qu’ils trouvent cette étincelle qu’est l’apprentissage. Je tente de ne pas reproduire ce que j’ai reçu comme éducation à l’école. Je pense qu’en acceptant que tous soient différents, je vois des élèves se découvrir, développer leurs compétences et s’épanouir. Aujourd’hui, la petite fille qui recevait des productions écrites noyées d’encre rouge, qui n’aimait pas du tout écrire et qui se sentait si mauvaise en rédaction a repris confiance en elle. Maintenant, je publie même mes idées. C’est fort l’influence d’un enseignant et son message peut laisser des traces bien profondes dans les pensées des élèves. C’est cette idée que je garde constamment en tête. Patrick My god. C’est le sujet choisi par mon amoureuse pour notre texte commun. Sérieusement, je capote. Ça doit faire vingt fois que je commence le texte, que je le rature, que je l’efface. Je n’arrive pas à trouver l’angle qui me convient pour écrire sur le sujet. Est-ce que je parle de mes années d’école qui ont teinté ma vie d’enseignant par la suite? Est-ce que j‘écris sur ma vision de l’école? Est-ce que j’écris sur les défis à relever comme direction d’école? Je pense que je vais laisser mes doigts glisser sur le clavier et on verra où ça va nous mener (si vous décrochez avant la fin, je ne vous en tiendrai pas rigueur, mais ça se peut que je vous boude un jour ou deux). Là, ce qui me vient à l’esprit en écrivant, c’est la pression subie à devoir rédiger un texte sur un sujet que je trouve trop large et qui m’inspire peu. Ne vous méprenez pas: j’aime l’école et je pourrais discourir sur le sujet pendant des heures. Mais là, l’idée de devoir composer un billet de blogue sur une thématique imposée dans un délai prescrit me donne le tournis. J’imagine ce que doivent ressentir chaque jour nos élèves à qui on demande de répondre d’une certaine façon à des commandes élaborées par l’enseignant (qui les tirent lui-même de documents préparés par le Ministère de l’Éducation). Je ne suis surtout pas en train de garrocher des roches aux enseignants - j’en ai trop longtemps fait partie et je respecte trop leur passion et leur dévotion. «Pour demain, vous devez me remettre un travail sur des symboles encore présents de la colonisation du Québec dans la société d’aujourd’hui. Votre travail se basera sur les 3QPOC et devra comporter des images commentées… » - premier cours de la journée; «N’oubliez pas: il vous reste la période pour terminer vos comptes-rendus des chapitres 1 à 4 du roman Tristan et Iseult.» - deuxième cours de la journée; «Expliquez-moi, ce qui, selon vous, nous permet de différencier la diffusion et l’osmose. Vous pouvez choisir le moyen qui vous plait, mais vous devrez illustrer de façon claire et avec au moins 3 exemples ce qui nous permet de différencier les deux méthodes.» Et on en est qu’au 3e cours, d’une seule journée! C’est de l’extraction de jus de cerveau à la puissance mille! C’est ce modèle qu’on répète, année après année, depuis des décennies, voire des centaines d’années. J’ai passé au travers du système, tout comme vous et le petit voisin d’à côté qui se faisait niaiser parce qu’il avait les dents croches et qu’il zozotait. Je n’en suis pas mort et vous non plus. (Pour le petit voisin, ça fait longtemps que je n’ai pas eu de ses nouvelles. J’espère que la suite de son parcours a été plus heureuse.) J’ai accumulé un tas de connaissances, certaines sont encore fort utiles tandis que d’autres sont stockées quelque part dans un coin égaré de mon cerveau et je suis pas mal certain qu’il y a même des connaissances qui sont parties avec mon petit voisin et dont je n’aurai jamais de nouvelles. J’ai rarement eu le choix de ce que je voulais apprendre, de comment je voulais l’apprendre et de la façon dont je devais démontrer que j’avais appris. D’autres l’ont fait à ma place et continuent de le faire pour les jeunes qui sont assis (bien inconfortablement en plus) sur nos bancs d’école. C’est ce qui m’interpelle aujourd’hui. L’absence de choix dans les apprentissages de nos élèves. Je termine en vous disant que j’aime l’école. J’aime les échos de corridors, j’aime les sourires des amis qui se retrouvent (même s’ils ont eu une discussion sur FaceTime il y a une dizaine de minutes) et surtout j’aime voir l’éclat dans les yeux d’un élève qui vient de comprendre, qui vient d’apprendre quelque chose qui sera gravé dans son cerveau… C’est drôle, parce que même si Kathleen et moi échangeons beaucoup, partageons souvent les même idées et avons rédigé sur le même sujet, je réalise que nos textes sont complètement différents, mais se recoupent aussi sur certains points. Cela met en lumière d’une façon si évidente que nos élèves aussi sont différents. Que ce qui allume l’un, peut éteindre l’autre. Que là ou l’un réussit avec facilité, l’autre doit bucher pour se rendre au fil d’arrivée. Que chacun se développera à sa façon, avec son potentiel, ses qualités et ses limites. C’est avec cette réflexion que nous nous posons la questions : pourquoi exigeons-nous de nos élèves de faire la même chose, de remettre des copies identiques? Encore trop souvent, nous leur demandons de résoudre la situation de la même façon, de découper la même pomme rouge en suivant le même pointillé. Il faut accepter que chacun, avec son petit bagage, trouvera une solution au problème de façon différente. Il faut accepter que certains découperont une pomme, d’autres un ananas ou un rutabaga et qu’il y en aura peut-être même un qui découpera un ramboutan. Acceptons cette divergence et grandissons en apprenant des autres. Ainsi, nous sommes convaincus, que les petits enfants que nous avons été sauront profiter au maximum de chacun de ses moments passés à l’école. Kathleen et Patrick 1. Image tirée de
https://cartoonsforfun.files.wordpress.com/2013/02/brainjuice1.png 2. Image tirée de https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/a/ae/Rambutan_Fruit.jpg/290px-Rambutan_Fruit.jpg
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Vendredi dernier, jour de congé. Pas complètement, parce que cette journée-là, je suis sorti de ma zone de confort pour me retrouver dans ma zone de risque et même d’apprentissage. Rien de pédagogique dans ce que j’ai accompli ce jour-là. J’ai changé les freins sur mon auto (aux quatre roues, disques et plaquettes - une grosse job - comme le diraient les initiés). Je n’avais jamais fait ça de ma vie changer des freins. Il faut dire que je ne suis pas très manuel (si vous aviez à choisir entre deux personnes pour me comparer, je suis plus du type Martin Matte que du type Bob le bricoleur). J’ai donc eu besoin d’aide pour le faire. Mon ami Christian était là pour moi. Il est arrivé chez moi avec tous ses outils et nous avons passé l’après-midi de vendredi à enlever les roues, défaire les anciens freins, poser les nouveaux et remettre les roues. En fin de journée, l’auto était prête à reprendre la route et affronter tous les obstacles qui se présenteraient à elle. J’avais donc réussi à franchir une montagne qui m’était apparue jusqu’à ce moment impossible à gravir: le changement de pièces sur un véhicule était pour moi l’équivalent de l’ascension de l’Everest. J’avais accompli une tâche que je croyais réservée aux initiés de la mécanique, cette race de demi-dieux qui étaient capables de différencier un cardan, d’un étrier et d’un radiateur. Je n’y suis pas arrivé seul. Mon ami a accompli une bonne partie de la tâche parce que mes connaissances étaient trop limitées pour que j’y parvienne en solo. J’étais l’observateur qui absorbait tout ce qui se passait et qui enregistrait les outils utilisés, les étapes à suivre et les difficultés qui surgissaient. Pour la première roue, je n’ai rien fait. À la deuxième, j’ai fourni les outils et aidé à quelques étapes. À la troisième roue qui posait un défi supplémentaire, j’ai apporté des suggestions qui se sont avérées la plupart du temps utiles. La quatrième roue fut installée en un temps record parce que nous formions une équipe efficace qui savait ce qu’elle avait à faire et qui avait appris des erreurs commises auparavant. Est-ce que mon processus d’apprentissage est terminé? Je ne le crois pas. Si je devais changer les freins sur un autre véhicule aujourd’hui, j’aurais encore besoin de l’aide de mon ami. Mais cette fois-ci, plutôt que d’être celui qui assiste mon ami, je serais celui qui effectue la majorité des gestes, celui qui utilise les outils, enlève les anciens morceaux et repose les nouveaux (au bon endroit et dans le bon ordre). J’aurais besoin de supervision pour m’assurer que mes gestes sont les bons et me mènent à la réussite, mais je ne serais plus celui qui observe. J’aurais des doutes sur mes capacités et sur mes chances d’y arriver, mais l’œil avisé du guide qui m’accompagne serait suffisant pour venir à bout de mes incertitudes. Et ça me prendrait probablement encore plusieurs changements de freins avant que j’y arrive de façon autonome. Même mon ami, avec toute sa vaste expérience, a eu besoin d’aide. Nous avons passé près d’une heure trente sur une des roues parce que le système des roues arrière différait de celui des roues avant. Nous avons commis des erreurs qui semblaient nous mener dans un cul-de-sac. Puisque chaque automobile possède des caractéristiques qui lui sont propres, nous avons dû utiliser Youtube pour vérifier si la méthode employée était la bonne pour ce modèle. Nous avons corrigé nos erreurs à la suite de ce visionnement. Il m’expliquait aussi ce qu’il prévoyait de faire pour valider sa démarche avant de poser un geste. Nous avons aussi fait appel à l’expert du centre de pièces d’autos pour nous assurer que nous étions sur la bonne route (cul-de-sac, bonne route, réparation d’auto… - quelle finesse dans le choix d’expressions quand même). De l’aide d’amis pour accomplir une tâche, j’en ai eu à plusieurs reprises dans ma vie: que ce soit pour le changement de mon chauffe-eau ou de mon lave-vaisselle, pour la fermeture et l’ouverture de ma piscine ou pour la construction de la cabane dans l’arbre de mes enfants, j’ai souvent eu recours à mon cercle d’amis pour m’aider. Chaque fois, je me suis mis en danger, j’ai remis en doute mes compétences et j’ai voulu tout abandonner parce que je ne comprenais pas et que je n’y arrivais pas seul. Chaque fois, l’ami qui m’accompagnait prenait le temps nécessaire pour corriger le geste maladroit ou pour donner le conseil nécessaire à l’achèvement du projet. Chaque fois, ce fut une réussite. Chaque fois, j’ai ressenti une fierté d’être allé plus loin, d’avoir découvert à l’intérieur de moi des ressources insoupçonnées, d’avoir repoussé mes propres barrières. Pourtant, je n’y suis jamais arrivé seul. Et c’est là que je me questionne:
Je termine ce billet en remerciant tous mes amis qui ont eu la patience de m’accompagner et de me guider dans ces apprentissages souvent difficiles pour moi. Ils sont comme les enseignants phares qui guident leurs élèves à développer leurs compétences en leur apportant soutien, conseils, connaissances et expériences. C’est ce savant mélange qui joue pour beaucoup dans la réussite éducative de chacun des enfants qui nous sont confiés. Si vous avez envie d’en discuter, laissez un commentaire. C’est fait. Je me lance. Voici mon premier billet de blogue.
J’ai un boulot formidable, je l’ai déjà dit. Il me permet de rallier plusieurs de mes passions professionnelles: technologie, pédagogie, relations avec les enfants, etc. Ce travail m’amène aussi à sortir de ma zone de confort, celle où on se plait bien, où on entend le ronronnement tranquille de notre cerveau, pour m’amener dans des zones moins confortables, des zones que je connais moins bien, qui sont insécurisantes. Je veux vous parler d’une de ces zones. Il y a quelques semaines, on m’a demandé de piloter le dossier Robotique (piloter, c’est un grand mot, je dirais davantage pour le moment débroussailler) parce que nous ajouterons ce volet dans notre offre de cours l’an prochain. J’ai donc demandé l’aide de collègues (merci à France, Dani, Guillaume et Jean-Philippe du Collège Saint-Sacrement) parce que leur école possède déjà beaucoup d’expertise dans le domaine. Ils nous ont accueilli dans leur milieu pour une visite. Je dois dire que j’y allais avec une certaine réticence. Pour moi, les robots, c’était une affaire réservée à quelques initiés, des programmeux, des geeks. La robotique demandait de faire de la programmation, une bébelle aussi compliquée que l’apprentissage du mandarin pour un habitant de Saint-Isidore-du-Lin. En plus, en robotique, tu joues avec des Legos. J’ai arrêté de jouer avec des Legos à 13 ans donc ça ne faisait pas très sérieux. Dans ma tête, ça ne s’adressait surtout pas à la masse d’élèves qui circulent dans nos corridors. J’avais tout faux. Ce que j’ai vu là-bas était l’inverse de ce à quoi je m’attendais. Je suis entré dans une classe où 36 élèves, gars et filles - le sexe n’a rien à voir là-dedans, étaient affairés à solutionner un problème, un vrai. Ils devaient trouver comment faire pour amener leur robot à grimper la plus lourde charge possible sur un plan incliné. J’ai vu des élèves qui testaient leur robot, certains se questionnaient sur la façon de placer leurs engrenages sur leur création pour tirer le maximum de poids, d’autres s’arrachaient les cheveux à essayer de comprendre ce qui clochait dans leur programme et j’en ai vu qui trouvaient des solutions inusitées aux difficultés qu’ils avaient rencontrées. Tout le monde n’a pas réussi à faire fonctionner son robot. Tout le monde n’a pas réussi à faire monter de lourdes charges. Tout le monde n’a pas trouvé la seule et unique façon de tracter de façon efficace le plus de poids. Tous étaient en action. Tous étaient en mode résolution de problèmes. Tous cherchaient des solutions. Tous collaboraient pour arriver à atteindre le but. Je n’ai vu aucune équipe en train de se tourner les pouces ou regarder par la fenêtre le vol de douces colombes. Ce que j’ai vu, ce sont des élèves engagés, épanouis et qui ne faisaient pas une tâche pour l’atteinte de la note, mais qui le faisaient pour atteindre leur but. Ça, c’est la robotique que je ne connaissais pas: celle qui donne des ailes et qui met la créativité et l’esprit critique au premier plan; celle qui représente le vieil adage: cent fois sur le métier remettez votre ouvrage, parce qu’on n’atteint pas notre but en un seul coup, parce qu’on fait des erreurs et qu’on doit recommencer. C’est ce que j’ai vu ce matin-là qui m’a fait réaliser certaines choses et qui m’amène à me poser des questions:
Je terminerais ce premier billet en parlant de l’euphorie qui s’empare de nous lorsqu’on quitte notre zone de confort pour s’aventurer ailleurs, qu’on réalise qu’on n’est pas mort (comme disait mon père : «C’qui nous tue pas, nous rend plus fort»*), qu’on réalise qu’on a fait des apprentissages et que finalement, ce qui nous apparaissait aussi haut à grimper que l’Everest n’était en fait qu’une chaine de trottoir. *Mon père n’a jamais dit ça. Ce qu’il disait, c’était: «Si tu vaux pas une risée, tu vaux pas grand chose.», mais ça n’avait aucun lien avec mon texte. |
AuteurDirecteur adjoint à la pédagogie et à l'innovation technologique dans une merveilleuse école ArchivesCatégories |